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Changements par élaboration dans la morphologie et la syntaxe des langues romanes

Bibliographie

Section thématique du 36e Congrès de l’Association des romanistes allemands (DRV),

Université de Kassel, du 29 septembre au 2 octobre 2019

Changements par élaboration dans la morphologie et la syntaxe des langues romanes
Santiago DEL REY QUESADA (Séville) & Paolo GRECO (Naples) & Klaus GRÜBL (Munich)
Le concept d’‘élaboration’ (« Ausbau », cf. Kloss 2 : 1978) s’est avéré très fécond pour la linguistique historique. En effet, la distinction proposée par Koch/Oesterreicher (2 : 2011) entre ‘élaboration extensive’ et
‘élaboration intensive’ permet de cerner dans une perspective pragmatique le rapport entre les conditions extra-
linguistiques et les résultats proprement linguistiques du processus d’élaboration : plus un idiome jusque-là
confiné à l’usage oral gagne des traditions discursives relevant de l’écrit, et plus cet idiome gagnera en com-
plexité morphologique et syntaxique, puisque c’est la disponibilité de structures linguistiques appropriées qui
assure le fonctionnement de la langue dans le domaine de la distance communicative. Un rôle capital revient
dans ce contexte aux emprunts au latin ou à d’autres langues de prestige (cf. Folena 1991). L’enrichissement
de la capacité expressive qui résulte de ces contacts linguistiques se manifeste dans différents secteurs du
lexique et de la grammaire de nos langues standardisées d’aujourd’hui : par exemple, la formation des mots,
le système des expressions phoriques (pronoms et déterminants), les marqueurs de subordination et les con-
necteurs textuels, certaines constructions adverbiales et prépositionnelles, la structure argumentale du verbe et
les constructions non finies, les constructions syntaxiques marquées au niveau de la structure informative et
les routines correspondantes de l’organisation textuelle.
Certes, ces structures constituent également l’objet de recherche de la linguistique historique générale,
de la typologie linguistique (cf. Cristofaro 2 : 2005) et de certaines théorisations s’inspirant de celle-ci (cf. Croft,2001). Dans ces approches, cependant, l’élaboration n’est généralement pas prise en compte comme expli-
cation potentielle du changement linguistique. Par contre, les théories développées sur le changement à l’oral
– par exemple, la grammaticalisation – sont souvent appliquées telles quelles à des phénomènes grammaticaux
qui sont en vérité typiques de la distance communicative et qui ne sont passés à l’usage parlé que tardivement
‘par le haut’ (cf. Hummel 2013 pour l’histoire des adverbes romans formés en MENTE). Il est même courant
que ces traits linguistiques soient invoqués pour appuyer les classifications défendues par la typologie aréale
(cf., pour une critique, Murelli/Kortmann 2011).
L’objectif de cette section thématique est d’identifier, dans la morphologie et la syntaxe des langues
romanes, des phénomènes dont l’émergence est due à l’élaboration linguistique, et d’étudier de façon adéquate
l’origine et la conventionnalisation de ces structures dans la langue. Nous nous intéresserons tout particulière-
ment au rapport entre l’élaboration extensive et intensive : il s’agira donc de questionner systématiquement le
changement linguistique pour mieux comprendre ses motivations pragmatiques et sa contribution fonctionnelle
à la langue. Nous tâcherons ainsi de tenir compte dans l’analyse diachronique du potentiel novateur des con-
tacts linguistiques, du rôle des traditions discursives dans la diffusion des innovations, tout comme du rôle de
la normativisation et d’autres facteurs d’ordre sociolinguistique.
Les contributions à la section pourront s’inscrire dans les champs de réflexion suivants :

– Dans quels domaines du lexique et de la grammaire l’élaboration a-t-elle marqué les langues ro-
manes d’un point de vue typologique ?

– En quoi se distinguent le changement par élaboration et le changement spontané, ‘par le bas’ ?

Quelle est la part respective de l’oral et de l’écrit dans différentes phases du changement linguis-
tique (cf. Koch 2004) ?

– Dans quels contextes historiques et dans quels genres textuels se produit le changement par élabo-
ration ? Quelle importance revient dans ce processus aux emprunts lexicaux et syntaxiques ? À côté de ces effets de convergence, peut-on observer aussi des évolutions divergentes, par interfé-
rence ‘négative’ (cf. Del Rey Quesada 2017) ?

– Quels sont les facteurs déterminant la variation grammaticale dans l’histoire d’une langue en éla-
boration ? Selon quels critères opère la sélection de variantes au moment de la normativisation ?

– Comment les scripteurs réagissent-ils aux exigences de la textualité élaborée ? Quelle est leur at-
titude à l’égard des innovations linguistiques à différentes époques ? Peut-on observer des hyper-
corrections, des modes ou même des excès stylistiques ?

Nous invitons des contributions portant sur une ou plusieurs langues romanes et qui proposent des
éléments empiriques pour une description novatrice du changement morphologique ou syntaxique par élabo-
ration. Nous accepterons en outre des exposés s’inscrivant dans une perspective théorique ou méthodologique,
consacrés, par exemple, à la question de l’intégration d’approches typologiques ou de l’intégration de la théorie
grammaticale dans l’étude diachronique de l’élaboration des langues romanes. À côté des grandes langues de
culture, la discussion pourra porter également sur les anciennes langues de l’écrit partiellement élaborées, ainsi
que sur des langues romanes minoritaires ou des langues créoles qui font l’objet d’une élaboration plus récente.
Les langues du congrès sont l’allemand et les langues romanes. Les résumés pour un exposé de 30
minutes (+ 15 minutes de discussion) ne doivent pas dépasser 500 mots (y compris la bibliographie) et doivent
être envoyés avant le 6 janvier 2019 à l’adresse klaus.gruebl@lmu.de. – La notification d’acceptation sera
donnée fin janvier au plus tard.

Références bibliographiques
Cristofaro, Sonia, 2 : 2005. Subordination. Oxford, etc.
Croft, William, 2001. Radical Construction Grammar. Syntactic Theory in Typological Perspective. Oxford, etc.
Del Rey Quesada, Santiago, 2017. « (Anti-)Latinate Syntax in Renaissance Dialogue : Romance Translations of
Erasmus’s Uxor Mempsigamos. » Zeitschrift für romanische Philologie 133, 673–708.
Folena, Gianfranco, 1991. Volgarizzare e tradurre. Turin.
Hummel, Martin, 2013. « Attribution in Romance : reconstructing the oral and written tradition. » Folia Linguistica
Historica 34, 1–42.
Kloss, Heinz, 1978. Die Entwicklung neuer germanischer Kultursprachen seit 1800. Düsseldorf.
Koch, Peter, 2004. « Sprachwandel, Mündlichkeit und Schriftlichkeit. » Zeitschrift für romanische Philologie 120,
605–630.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf, 22011. Gesprochene Sprache in der Romania. Französisch – Italienisch – Spa-
nisch. Berlin/New York.
Murelli, Adriano/Kortmann, Bernd, 2011. « Non-standard varieties in the areal typology of Europe. » In : The
Languages and Linguistics of Europe. A Comprehensive Guide, Bernd Kortmann/Johan van der Auwera
(edd.). Berlin/New York, 525–544.

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