Bibliographie
Globalisations et circulations des idées, des savoirs et des normes
La notion de circulation se démarque du diffusionnisme des approches en
termes de « transfert » : les processus de déplacement, les échanges, les
hybridations, les processus d’aller-retour sont pris en compte, plutôt qu’un
simple mouvement d’un lieu de départ à un lieu d’accueil. L’objectif de
notre colloque est ainsi de revenir sur les études de « la globalisation »
à partir des circulations des idées, des normes et des savoirs, en étant
attentifs aux stratégies des acteurs, dans une perspective décentrée, et
en dépassant les approches en termes de transfert et d’uniformisation.
Il s’agit ainsi d’étudier l’impact des polarisations économiques et des
rapports de pouvoir internationaux sur ces circulations d’idées, de normes
et de savoirs, mais en dépassant le seul face-à-face entre hégémonies et
subalternisations et une vision en termes d’uniformisation : peut-on parler
ici de globalisations au pluriel ou observer des processus de globalisation
parallèles non-hégémoniques ? Quels en sont les acteurs et les processus
principaux ? Dans quelle mesure, par exemple, des fragmentations des
territoires ou des segmentations sociales transparaissent également dans
ces circulations, dans ces processus d’appropriations et de réinventions de
savoirs, en particulier dans les imaginaires collectifs ? Nous souhaitons ainsi
interroger les manières dont les idées, les normes et les savoirs circulent
pour rendre compte des asymétries à l’œuvre, mais aussi de la manière
dont, dans les pratiques, elles peuvent être contournées, remises en cause,
réinterprétées dans des configurations parfois inédites.
Ces réflexions sont menées autour de 4 axes :
1. Circulations des normes internationales et productions des savoirs scientifiques :
Les instances internationales, en particulier onusiennes, sont des producteurs de
normes et de notions présentées comme des concepts qui sont largement reprises
dans les champs scientifiques à différentes échelles, nationales ou transnationales,
ou deviennent des thèmes prioritaires pour la recherche. Prenons pour exemple les
termes de Santé globale, sécurité humaine, sécurité alimentaire, pauvreté, sécurité/
migration, autochtonie, afrodescendants, genre, société civile, etc. Le mouvement
n’est pas unilatéral car dans le même temps, nombre de scientifiques travaillent
comme experts pour ces instances. Il s’agit donc d’interroger à la fois les processus
de construction et d’apparition de ces normes internationales et leurs circulations
et leurs réinterprétations dans les champs scientifiques et notamment dans les
sciences humaines et sociales (SHS).
Répondre à cette question nécessite de comprendre quels sont les impacts des
normes des instances intergouvernementales (OMC, FAO, OMS, UNESCO, Union
Européenne...) sur la construction des savoirs dans les SHS. Comment par exemple
ces normes internationales sont-elles construites, à l’intersection de quels champs ?
Comment sont-elles retranscrites dans les objets, les méthodes de recherche, le
développement de certains champs scientifiques, l’émergence d’idées, de concepts,
de catégories de pensée ? Comment leur ré-appropriation par les communautés
scientifiques peut-elle conduire à l’instauration de savoirs scientifiques globalisés ?
Nous interrogerons aussi les manières dont les politiques internationales, leur
idéologie, leur mise en œuvre et leurs effets, contraignent et appauvrissent
l’imagination scientifique en imposant des thématiques au détriment d’autres et en
créant des concepts flous parfois repris par la recherche.
2. Circulation des savoirs localisés et normes internationales
La reconnaissance internationale des savoirs non académiques dits « autres »
(autochtones, populaires, paysans, locaux…) est passée par leur prise en compte
par les instances intergouvernementales. Elle a été accompagnée par la mise en
place d’encadrements juridiques, de programmes et d’opérations internationales
instaurant des normes en vue de leur « intégration » dans les développements
économiques, politiques et sociaux nationaux. Les circulations de ces savoirs et
normes conduisent d’une part à des conflits sociaux sur les terrains où elles opèrent, à
des controverses scientifiques dans les débats académiques sur la définition de ces
savoirs localisés et la capacité des normes internationales à les prendre en compte
les savoirs. D’autre part, ces circulations aboutissent à l’instauration de dispositifs
de valorisation marchande (standards, certifications, labellisation) influençant ainsi
les espaces de fabrication des biens marchands, les modes d’organisation de leurs
circulations, ainsi que les pratiques de consommation. De quelle manière peut-on
observer ici des globalisations différenciées des savoirs localisés et quels en sont
les enjeux ? Quelles transformations subissent les savoirs locaux au cours de leur
intégration aux savoirs globalisés ?
3. Idées, normes et savoirs dans les circulations des marges
Il convient de considérer les limites des mécanismes de circulation. Les connexions
globales sont plus ou moins concentrées ou diffuses selon les lieux et les périodes.
Ainsi, toutes les sociétés ne sont pas reconfigurées par les circulations globales
au gré de processus d’échanges et de réappropriations. Des poches d’autonomie
existent, dues à des formes variées de résistances ou à la distance symbolique ou
physique aux centres où se concentrent les circulations. Dans quelle mesure peut-on
observer au-delà des productions hégémoniques, d’autres types de circulation, « en
marge » ou à d’autres échelles, défendant d’autres idées, instaurant d’autres normes,
conduisant à la production de savoirs alternatifs et pouvant aboutir à des formes
de globalisations parallèles ? Dans quelle mesure ces idées, normes et savoirs sont-ils à leur tour marginalisés ou repris dans les disciplines scientifiques académiques ?
4. Circulations des idées et des normes politiques
De quelle manière circulent les idées et les normes politiques ? Quels en sont les
acteurs et les principaux processus ? Quels sont les enjeux politiques de circulations
de savoirs qui ne se donnent pas immédiatement comme politiques ? Faut-il par
exemple distinguer radicalement deux types de processus : d’une part des circulations
militantes en réseau, où s’opèrent des appropriations et des réappropriations
croisées d’idées, d’idéologies, d’imaginaires et de répertoires d’action et d’autres
types de processus comme l’imposition de normes et de politiques par des instances
internationales ou occidentales ? Comment certaines normes et certaines idées
sont reprises par les acteurs politiques dans leur engagement sur le terrain ?
Et quel est ici le rôle des États, et quelles sont face à ces instances les demandes,
les marges de manœuvre, les remises en cause ou les transformations dans les
processus d’implantation de ces politiques (par exemple la mise en place des
politiques de sécurité dans les pays non-occidentaux) ?
Voir en ligne : https://federation3s.com/am_event/g...