Bibliographie
COLLOQUE SHESL-HTL 2020
Paris, 23-25 janvier 2020
Simplicité et complexité des langues dans l’histoire des théories linguistiques
Ce colloque a pour objectif d’explorer, à travers l’histoire des théories linguistiques, les
manières dont les langues ont été évaluées en termes de complexité.
Thèmes :
Les hiérarchisations des langues qui ont pu être faites au cours de l’histoire ont souvent
participé à la consolidation des idéologies nationalistes, racistes et colonialistes, et se sont
montrées en contradiction totale avec l’impartialité scientifique. Mais ces hiérarchisations ne
sont pas toutes porteuses d’une même charge idéologique ni à rejeter comme non-
scientifiques. Par exemple, on a pu se demander récemment, dans des articles et des
colloques, si les langues manifestaient des degrés différents de complexité (cf. Joseph &
Newmeyer 2012 ; voir également le prochain colloque de la SGdS*).
Différentes manières d’évaluer la complexité ont été proposées jusqu’à présent. Dans
un premier temps, il est commode d’en distinguer deux grandes classes (Miestamo 2008) : les
évaluations « absolues » sont essentiellement basées sur la longueur de la description
grammaticale ; d’autre part, les évaluations « relatives », qui évaluent la complexité en termes
de coûts de traitement pour le locuteur et le destinataire. On a parfois regardé les facteurs qui
induisent la simplification ou la complexification sous l’aspect de leur interaction, et comme
impliquant des compromis, par exemple entre la clarté et la commodité (resp. Deutlichkeit
and Bequemlichkeit chez Gabelentz, McElvenny 2017). De la même manière la complexité
peut apparaître lorsque des tendances marquées dans certaines langues sont contrées par des
intentions expressives et pragmatiques, la fréquence et l’automaticité, des impulsions
contradictoires et divers facteurs cognitifs (cf. Bally 1932).
L’hypothèse que les langues évoluent depuis un noyau « simple », et peut-être
universel, a une longue histoire. Des propositions dans ce sens ont été avancées à propos des
créoles ou dans des études sur l’acquisition du langage, dans l’idée, respectivement, que les
créoles sont élaborées à partir d’un noyau « simple » ou que l’apprentissage d’une langue
seconde en procède (Bickerton 1984 ; Klein & Perdue 1997). De telles propositions sont
reliées à des questions qui ont trait à la grammaire universelle, ou, dans une autre perspective,
à l’origine pragmatique de certains traits grammaticaux (Givón 1979). Une analyse historique
des théories de la complexification linguistique demeure un sujet ouvert.
D’un point de vue historique, on a pu voir des considérations sur la relative complexité
des langues se recouper avec des préoccupations dont la perspective était axiologique ou
téléologique ; on peut par exemple penser à Jespersen et à son idée que les langues
progressent vers l’analycité et l’économie. Qu’il s’agisse de jugements positifs sur la
simplicité, ou au contraire, de considérations valorisant la haute complexité, une prise en
compte de l’arrière-plan intellectuel est essentielle. On songera par exemple à la conception
du langage comme institution servant à des fins pratiques, ou comme un organisme donnant
naissance à des formes grammaticales raffinées. Cependant le rapport de ces évaluations avec
leur arrière-plan n’est pas forcément simple (McElvenny 2017).
Les jugements de complexité apparaissent pour le moins implicites dans les tentatives
de création de langues artificielles, auxiliaires ou universelles, ou dans les efforts accomplis
pour « améliorer » des langues déjà existantes en les simplifiant, ou en en créant des versions
simplifiées dans un but social (cf. le Basic English d’Ogden ; McElvenny 2018). De telles
entreprises offrent une opportunité supplémentaire d’examiner les traits qui ont été retenus en
tant que critères de simplicité.
Les propositions pourront traiter des sujets suivants et concerner toutes les périodes et aires
culturelles (la liste qui suit ne saurait donc être exhaustive) :
Les évaluations en termes de complexité et les diverses notions de complexité (p.ex.
complexité « absolue », i.e. en terme de description grammaticale, ou relative à
l’utilisateur, en terme de coût de traitement) ; les divers compromis impliqués dans la
définition de la complexité ;
Les typologies hiérarchisantes, c’est-à-dire les classements des langues selon des traits
caractéristiques, par exemple le degré auquel elles possèdent une « forme » grammaticale,
ou approchent un « ordre naturel », la relation de tels traits avec des universaux cognitifs,
c’est-à-dire l’idée que les langues qui sont cognitivement « naturelles » doivent être plus
simples à apprendre et à utiliser pour les locuteurs ;
L’histoire des conceptions portant sur la complexification (ou simplification) des langues, en
phylogénie ou en ontogénie ;
Les diverses tentatives de « simplification » des langues ;
L’environnement culturel et social et les arguments scientifiques qui ont été propices au rejet
des formes de hiérarchisation linguistique en termes de complexité (c’est-à-dire les
arguments en faveur de l’idée que les langues sont d’une égale complexité) ;
L’échelle analytique / synthétique ; la portée axiologique de cette échelle et ses conséquences
pour la conception des langues universelles ;
L’évaluation esthétique des langues, entre autres aspects, le potentiel rhétorique offert par leur
structure et leur complexité, les avantages littéraires de la complexité, etc.
*XXXe Colloque de la Sudienkreis ‘Geschichte der Sprachwissenschaft’, sur la « brièveté » et la « prolixité »
dans l’histoire de la pensée linguistique (Octobre 2019, Clermont-Ferrand, France).
Références :
Bally, Charles (1932) Linguistique Générale et Linguistique Française. Paris, Librairie Ernest Leroux.
Bickerton, Derek (1984). “The Language Bioprogram Hypothesis”, Behavioral and Brain Sciences
7(2) : 173-221.
Givón, Talmy (1979) On Understanding Grammar. New York / San Francisco / Londres, Academic
Press.
Jespersen, Otto (1894) Progress in Language. Londres, Swan Sonnenschein & Co.
Joseph, John & Newmeyer, Frederick (2012) “ ‘All languages are equally complex’ : The rise and fall
of a consensus”, Historiographia Linguistica 39(2-3) : 341-368.
Klein, Wolfgang, & Perdue, Clive (1997) “The Basic Variety (or : Couldn’t natural languages be much
simpler ?)”, Second Language Research 13 : 301-347.
McElvenny, James (2017) “Linguistic aesthetics from the nineteenth to the twentieth century : the case
of Otto Jespersen’s ‘Progress in Language’.” History of Humanities 2(2).
McElvenny, James (2018) Language and meaning in the age of modernism. C.K. Ogden and his
contemporaries. Edinburgh, Edinburgh University Press.
Miestamo, Matti (2008) “Grammatical complexity in a cross-linguistic perspective.” In Matti
Miestamo, Kaius Sinnemäki & Fred Karlsson (eds.), Language Complexity : Typology, Contact,
Change. Amsterdam, John Benjamins : 23-41.
Date limite de soumission : 1e juillet 2019
Contact : shesl-htl2020@sciencesconf.org
Site du colloque : https://shesl-htl2020.sciencesconf.org
Frais d’inscription : 50 € (35 € pour les étudiants et précaires)
Gratuit pour les membres de la SHESL et les doctorants « HTL »